La perversion narcissique, c’est quoi ?

par | Nov 7, 2021 | Psychologie

Les mots ont une histoire et il est bon de le rappeler.

La société dans laquelle nous vivons, nous sert du tout prêt à emporter. Il n’y a presque plus rien à faire, juste consommer (et éviter de penser !). Ca peut parfois avoir du bon, à condition de garder un sens critique et de ne pas oublier les origines de chaque chose (histoire, contexte, évolution).

Chercher, comprendre, analyser a toujours été au centre de ma vie et il n’y a aucune raison que ça s’arrête.

C’est ainsi qu’aujourd’hui, je vous emmène à la rencontre de la perversité narcissique. Je ne suis ni psychiatre, ni psychanalyste, néanmoins j’apporte ma contribution avec mes propres recherches et mon propre parcours. Si certains professionnels souhaitent donner un complément d’informations, leur apport sera apprécié.

Le pervers narcissique fait la une des magazines, on le met à toutes les sauces mais finalement, d’où nous vient ce terme ?

On le surnomme le PN et il est généralement masculin (certaines femmes sont néanmoins également concernées).

On entend parfois le terme de manipulateur pervers narcissique, si bien qu’on peut faire un amalgame entre le pervers narcissique et le manipulateur. Le premier est forcément manipulateur, mais le manipulateur n’est pas forcément pervers narcissique.

La perversion narcissique est une notion psychanalytique associant les 2 notions freudiennes de perversion et de narcissisme, théorisée par Jean-Claude Racamier (psychiatre et psychanalyste) dans les années 85. C’est une pathologie relationnelle et un mécanisme de défense qui consiste en une survalorisation de soi-même aux dépens d’autrui. « Le mouvement pervers narcissique se définit essentiellement comme une façon organisée de se défendre de toute douleur et contradiction internes et de les expulser pour les faire couver ailleurs, tout en se survalorisant, tout cela aux dépens d’autrui. »

Ils seraient 2 à 3% de la population.

Attention, en psychiatrie ou en psychologie clinique, la notion de pervers narcissique n’est pas reconnue, elle ne fait pas partie des maladies ou des troubles mentaux. Elle n’a donc pas de validité clinique, contrairement par exemple, au trouble de la personnalité narcissique.

Alberto Eiguer (psychiatre et psychanalyste) parlera dans les années 90 du cas particulier de la pathologie du narcissisme dans « Le pervers narcissique et son complice ».

Avec Marie-France Hirigoyen (psychiatre et psychothérapeute), la notion de harcèlement moral fera référence au pervers narcissique.

Le terme se répand alors comme une traînée de poudre. Mais qui est-il réellement ? Comment fonctionne-t-il ? Quelle est sa spécificité ?

Il prolifère dans les contextes d’exercice de pouvoir car il est calculateur. Il agit par intimidation, ce qui entraîne perplexité, paralysie, dévalorisation, culpabilité chez ses victimes qui vont accepter toute sorte de compromission au détriment de leur propre estime d’elles-mêmes.

C’est avant tout un prédateur. Il a besoin d’une proie dont il va détruire l’identité par la manipulation mentale. Il sème le doute pour mieux contrôler. L’autre n’est qu’un objet !

« Pour eux, un mensonge réussi compte comme une vérité » J.C Racamier

Voici quelques caractéristiques du PN, identifiées par Isabelle Nazare-Aga (thérapeute cognitivo-comportementaliste). Attention, une seule ne suffit pas, c’est un ensemble qui permet de parler de perversion narcissique :

– il est égocentrique,

– il se pose en victime,

– il ne s’estime jamais responsable de rien, rendant ainsi les autres responsables de tout,

– il refuse la critique et nie les évidences,

– il culpabilise en invoquant l’amour, l’amitié, la famille, la conscience professionnelle,

– il exploite les sentiments moraux de l’autre pour satisfaire ses besoins (devoir, générosité, humanisme),

– il renie les sentiments, les désirs, les besoins et les droits d’autrui,

– il critique et dévalorise afin de créer le désarroi,

– il remet en cause la compétence, la personnalité et les qualités des autres,

– il crée des conflits dans le but de manipuler l’entourage,

– il recourt aux flatteries, aux cadeaux et aux services rendus pour se faire bien voir,

– il déforme, interprète et raconte des mensonges pour cacher (ou découvrir) la vérité,

– il recourt parfois au chantage et aux menaces implicites,

– il parvient à faire accomplir à autrui des actes non désirés,

– il se comporte différemment et modifie l’expression de sa pensée en fonction des personnes et des situations,

– il génère des sentiments de malaise, de désarroi et/ou d’absence de liberté,

– il atteint ses objectifs au détriment des autres,

– il peut changer de sujet sans transition au cours d’une conversation,

– ce qu’il dit, ne correspond pas à ce qu’il fait.

« Les pervers narcissiques n’ont de cesse de vouloir formater les autres, les conditionner en tant que leur objet, leur chose. On les retrouve chez les gourous, les chefs de groupuscules extrémistes, les délinquants économiques, les escrocs, les meurtriers ou les délinquants sexuels. » A. Eiguer

Le PN a plusieurs visages.

Il est bon vivant, séducteur, cultivé, altruiste mais peut aussi être autoritaire et tyrannique et passer de l’un à l’autre en quelques secondes. C’est un expert en séduction, charmeur et flatteur, séduisant et sympathique, il souffle le chaud et le froid en permanence. C’est un véritable comédien avec des idées de grandeur, une estime de soi excessive, qui n’a ni empathie, ni maturité affective.

Il ne dévoilera son vrai visage à sa victime, qu’une fois le charme opéré. Il passe alors dans le registre de l’humiliation et de l’égocentrisme. Il est totalement déstabilisant et ses changements à répétition sont à l’origine de la confusion et de la souffrance qu’on retrouve chez les victimes. Il rentre dans les failles de celles-ci (faille narcissique le plus souvent).

Sa raison d’être est d’écraser pour se sentir supérieur et il s’appuie sur sa victime pour se valoriser et avancer ses pions.

« Il va chercher à capturer le rêve secret qui sommeil au fond de nous. Tous, nous en caressons un : avoir une vie de famille, faire du cinéma…Lui va nous faire croire que c’est par son intermédiaire que nous pourrons le réaliser. Et pourra, par la suite, nous tenir par ce rêve. » Christel Petitcollin (psychothérapeute)

Le PN est dominateur et observateur, il va saisir la moindre contradiction ou émotion pour en tirer un avantage et prendre le pouvoir. Afin de mettre l’autre sous sa domination, il va utiliser toutes les manoeuvres nécessaires pour arriver à ses fins :

– dévalorisation,

– isolement,

– mise en dépendance,

– injonctions paradoxales.

Séduction, invasion et destruction caractérisent le cheminement du PN.

Etre la victime du PN crée une énorme confusion mentale si bien qu’il est difficile d’y voir clair et de réfléchir de manière rationnelle. Chantage affectif, inversement de la situation (il se fait passer pour la victime et reproche à l’autre ce qu’il fait lui-même) provoquent un désordre psychique et une perte de repères.

Le PN ne changera pas car il est persuadé qu’il détient la vérité. Par ailleurs, il est dans des mécanismes de dénis.

Que faire et comment s’en sortir ?

Il n’y a qu’une seule solution, FUIR. C’est le seul moyen d’échapper au PN.

Il faut savoir qu’en maintenant la relation avec lui, on se perd et on se détruit, on épuise ses forces vitales, on se vide de son énergie voire même on oublie qui on est.

Il faut partir avant lui et surtout ne pas revenir. C’est loin d’être facile, d’autant plus que, tant qu’il n’aura pas une nouvelle proie, il restera là, non loin, à l’affût, prêt à surgir et à refermer à nouveau son piège en usant à nouveau de sa séduction et sa fourberie.

Il faut tenir bon, couper avec lui, être soutenu par des proches (pas évident car il aura fait le vide autour de sa victime) et se faire aider par un professionnel si nécessaire.

« Il n’y a rien à attendre de la fréquentation des pervers narcissiques, on peut seulement espérer s’en sortir indemne. » J-C Racamier